Un formateur doit-il être expert de son sujet ?
Oui, mais c’est quoi exactement, un “expert” ?
Dans le monde professionnel, on parle souvent d’expertise. Que ce soit dans la formation, le conseil, ou n’importe quel domaine d’activité, ce mot revient souvent. Pourtant, il est rarement défini.
Et cela m’amène à poser une question fondamentale : un formateur doit-il nécessairement être un expert du sujet qu’il enseigne ? C’est une bonne question, non ?
Pour explorer cette question, commençons par examiner la signification même du mot “expert”.
La définition de l’expertise : au-delà de la simple connaissance
Si l’on se réfère au dictionnaire Le Robert, voici ce qu’on y trouve : “Qui a acquis une grande habileté par l’expérience, par la pratique.”
Ou encore : “Personne choisie pour ses connaissances éprouvées et chargée de faire des examens, constatations ou appréciations de fait.”
Ces définitions nous révèlent deux éléments clés : la connaissance et l’expérience. L’expertise n’est donc pas simplement une question de savoir accumulé. Elle est aussi – et surtout – le fruit d’une expérience prolongée, de mises en pratique répétées qui mènent à une certaine habileté.
Prenons un exemple concret : un “expert” de la pêche à la mouche. Ce n’est pas seulement quelqu’un qui a lu pléthore de livres sur le sujet. C’est surtout quelqu’un qui a pratiqué, encore et encore, par tous les temps et dans différentes situations. L’expérience de terrain, l’observation, les essais et erreurs sont autant de facteurs qui transforment la connaissance en expertise.
Une expertise, c’est avant tout une pratique approfondie
Le terme “expert” évoque souvent l’idée de maîtrise totale d’un sujet. Cette maîtrise repose sur la pratique. En réalité, une personne ne peut être qualifiée d’experte que lorsqu’elle a accumulé assez d’expérience pour traiter son sujet de multiples façons, et sous tous les angles possibles.
Prenons l’exemple personnel que je connais bien : mon père. Depuis des années, il donne des conférences sur le personnage historique de Talleyrand. Il a lu à peu près tout ce qui a été publié sur le sujet, des biographies aux essais, en passant même par des bandes dessinées. Mais cela ne s’arrête pas là. Ce qui fait de lui un “expert”, c’est qu’il peut parler de Talleyrand en commençant par n’importe quel aspect.
Il est capable, par exemple :
• D’expliquer l’influence de Talleyrand en commençant par la bataille de Waterloo.
• D’expliquer sa personnalité et ses actions en partant de la situation du clergé français à la veille de la Révolution.
• Ou encore, d’explorer son rôle dans la diplomatie européenne en partant de l’état de la marine britannique à la fin du XVIIIe siècle.
En d’autres termes, l’expertise de mon père va bien au-delà de l’accumulation de connaissances. Elle repose sur une compréhension intime du sujet, qui lui permet de le traiter dans tous les sens et de tisser des liens entre différentes parties de l’histoire. Cette vision globale et cette capacité à articuler chaque élément du sujet entre eux caractérisent l’expert.
Un formateur : besoin d’être expert ou simplement compétent ?
Mais revenons à notre question de départ : un formateur doit-il forcément être un expert du sujet qu’il enseigne ? La réponse n’est pas si simple et dépend de la nature de la formation.
Dans de nombreux cas, un formateur n’a pas besoin d’être un expert au sens que nous venons de définir. L’objectif de la formation n’est pas toujours de transmettre une connaissance aussi complète et approfondie que celle d’un expert, mais plutôt de fournir les outils et les bases nécessaires pour permettre aux apprenants de progresser.
En d’autres termes, un formateur doit surtout avoir une compréhension claire des concepts fondamentaux et la capacité de les transmettre de manière efficace.
En fait, le rôle principal d’un formateur est de faciliter l’apprentissage. Pour cela, il doit posséder des compétences pédagogiques, c’est-à-dire savoir comment adapter son discours à son public, comprendre les besoins des apprenants, et leur proposer des activités et des contenus adaptés. La pédagogie est souvent plus essentielle que l’expertise elle-même.
Par exemple, un formateur en informatique peut enseigner les bases d’un langage de programmation sans nécessairement être un expert qui connaît toutes les subtilités et applications avancées de ce langage. Ce qui compte, c’est sa capacité à guider les apprenants dans l’acquisition des compétences essentielles.
L’expertise : un idéal ou un besoin ?
Il est cependant vrai que l’expertise apporte un certain niveau de profondeur et de richesse à une formation. Un expert peut apporter des anecdotes, des cas pratiques, et des perspectives qui rendent la formation plus vivante et plus complète. Il peut répondre à des questions pointues, aborder des sujets connexes, et fournir des solutions à des problèmes complexes. Mais est-ce toujours indispensable ?
En réalité, tout dépend du contexte. Dans certains domaines techniques ou scientifiques, une formation de qualité peut exiger une expertise pointue, car le sujet est complexe et nécessite une connaissance approfondie. Dans d’autres cas, notamment dans des formations de base, une bonne maîtrise des fondamentaux et une pédagogie efficace peuvent suffire.
Ma définition de l’expert
En somme, selon moi (et donc ce qui suit est forcément subjectif), un expert est quelqu’un qui peut aborder un sujet sous tous ses angles, avec fluidité et cohérence. Il peut commencer son explication n’importe où et dérouler l’ensemble du sujet de manière claire et compréhensible. Cette maîtrise ne s’obtient qu’à travers une connaissance intime, fondée à la fois sur la pratique et la réflexion.
Cela dit, la question de l’expertise dans la formation nous invite à nuancer notre regard. Tous les formateurs ne doivent pas être des experts, mais tous doivent être compétents, pédagogues, et capables de s’adapter à leur public. La vraie question est donc : qu’est-ce qui est le plus important dans le contexte de la formation ? La réponse varie selon les objectifs, les apprenants, et le sujet abordé.
En fin de compte, l’expertise est une combinaison de connaissances, d’expérience et de capacité à traiter un sujet sous tous les angles. Un formateur, quant à lui, doit être capable de transmettre efficacement des connaissances et des compétences, ce qui ne nécessite pas toujours une expertise totale. Cependant, avoir une certaine expérience et compréhension du sujet reste indispensable pour assurer une formation de qualité.
Alors, la prochaine fois que vous participerez à une formation, posez-vous la question : le formateur est-il un expert ou un pédagogue compétent ? Et surtout, l’un est-il nécessairement mieux que l’autre pour l’apprentissage ?